Histoire du Château

La terre de Nesles avait suivi la destinée de celles de Fère-en-Tardenois et de Braine, anciennes possessions mérovingiennes passées à l'archevêché de Reims puis aux comtes de Champagne, et enfin aux sires de Baudement.

En 1152, Agnès de Baudement, comtesse de Braine, épouse Robert de France, comte de Dreux, fils cadet du roi Louis VI ; Leur fils Robert II fait construire le château de Fère-en-Tardenois au tournant du XIIème siècle, et leur petit-fils Robert III, comte de Dreux et de Braine, dit "Gâteblé", fait construire une "maison forte" à Nesles en 1226, ainsi qu'en atteste le "permis de construire" donné par le comte Thibaud de Champagne (document en latin).

  

Pour cette édification, le comte de Dreux prit pour modèle le château royal de Dourdan (Essonne), construit pour Philippe Auguste quelques années plus tôt. C’est un des exemples les plus parfaits subsistant en France de l’architecture militaire de cette époque, dite « philippienne ».

 

 

Après les comtes de Dreux, Nesles entre dans la puissante maison de Châtillon, par le mariage d'Isabeau de Dreux en 1280 avec le célèbre Gaucher de Châtillon, connétable de France sous 5 rois successifs. Leurs descendants le cèdent vers 1370 à Jehan II de la Personne, vicomte d'Acy, sénéchal de Saintonge, chambellan du roi Charles VI, ancien compagnon de Du Guesclin et 1er gouverneur de la Bastille en 1385.

 

Durant la guerre de Cent ans le château, repère des « Armagnacs », est assiégé par les anglais pendant près de 3 ans (1421 à 1423). L'acte de reddition au comte de Salisbury, rédigé en latin, est conservé à la Bibliothèque Nationale.

 

En 1435, Guillaume de Flavy, capitaine de Compiègne accusé d’avoir trahi Jeanne d’Arc, épouse la jeune héritière des vicomtes d'Acy, de 30 ans sa cadette, et devient seigneur de Nesles. Homme de guerre féroce et sans scrupules, il s’empare du maréchal de France Pierre de Rieux qui meurt au château après neuf mois de captivité (1439).  Flavy y est lui-même assassiné par ordre et sous les yeux de sa propre femme en 1449…qui épouse peu après son amant et complice Pierre de Louvain, un ancien routier devenu capitaine du roi à Soissons. Ils sont brièvement emprisonnés pour ce meurtre mais obtiennent des lettres de rémission de Charles VII. Louvain est cependant pourchassé pendant 15 ans par les redoutables frères de Guillaume de Flavy et sauvagement assassiné  en 1464 par Raoul, le plus cruel d'entre eux.

 

L'histoire ne s'arrête pas là, car la jeune châtelaine de Nesles se remarie une 3ème fois avec Pierre Puy, maître des requêtes au parlement. Voulant s'approprier le château, il subit à son tour la vindicte de ses beaux-fils Louvain, qui le séquestrent "entre deux huis" dans le donjon, ne le libérant qu'après l'avoir dénoncé comme traître à Louis XI : il sera incarcéré pendant 7 ans.

 

Le château connaît ensuite une brève accalmie avec Gilles de Louvain et son frère Claude, évêque de Sisteron, puis Nicolas, vicomte de Berzy, chambellan du roi (François Ier) et capitaine de la compagnie de gendarme "Louvain-Nesles". C'est à cette époque que fut aménagé un nouveau logis seigneurial.

 

Mais l'attavisme familial resurgit à la génération suivante : Antoine II de Louvain, seigneur de Rognac, brigand et routier sans foi ni loi, assiège son cousin utérin Jean Puy (ils sont tous les deux petit-fils de Blanche) au château voisin de Longeville, dont il revendiquait l'héritage. Pour ce faire, il s'empare de sa femme qui meurt des mauvais traitements infligés. Condamné à mort par contumace, ses biens sont saisis et il doit fuir en terre d'empire (1546).

 

En 1529, Nesles est racheté par le connétable Anne de Montmorency, déjà propriétaire du château de Fère et sans doute pour agrandir son territoire de chasse. Il passa ensuite à divers seigneurs avant d'être acquis en 1656 par le maréchal de Clérembault dont les héritiers, la famille Bouthilier de Chavigny, le conservèrent jusqu’en 1806.

 

Le château fut pris et repris  au cours des guerres de religion et probablement démantelé au XVIIème s., perdant ainsi ses toitures et couronnements ; ses bâtiments sont alors convertis en exploitation agricole.

 

Il est encore occupé par les Allemands durant la 1ère guerre mondiale et libéré le 31 juillet 1918 après 3 jours de combat par les Américains de la 42e division US rainbow, commandée par le colonel Douglas MacArthur. L'important cimetière militaire américain Oise-Aisne, à 1 km du château constitue un témoignage poignant de la violence de ces combats.

 

Classé Monument Historique en 1922, sa restauration a été entreprise à partir des années 1970 par Monsieur et Madame Henry Cottin. Le château de Nesles demeure une propriété privée.